Semer la résilience en danse

 

L’Assemblée canadienne de la danse cherche à déraciner les récits de résilience néfastes qui exploitent la capacité des danseur.euse.s à endurer des conditions de travail non viables. Le projet de recherche Semer la résilience est une première étape intentionnelle dans la réalisation de l’objectif à long terme de l’ACD d’équiper la revendication de la résilience comme une capacité incarnée de guérison et de traversée du changement à travers l’art et l’affirmation de la vie.

 

En juin 2023, cinq artistes de la danse et des membres de l’équipe de l’Assemblée canadienne de la danse se sont réuni.e.s pour une résidence sur l’île Missisaki de Toronto au Artscape Gibraltar Point. La cohorte incluait : les artistes chercheur.euse.s Kali Kennedy (Iewennotaties), Atri Nundy, bee pallomina et Ravyn Wngz; l’archiviste de projet Jose Miguel (Miggy) Esteban; la chargée de projet et facilitatrice de l’ACD Pam Tzeng; et les membres de l’équipe de l’ACD Karla Etienne et Shelby Wright.

8 people sit on, in front and stand behind a red couch in an art studio with white walls. Persons who are Indigenous, Black, Afrodescendant, Asian, cis gendered, non-binary and trans smile for a group photo.

Pendant cinq jours, les membres de la cohorte se sont plongé.e.s dans les questions suivantes : 

  • Que veut dire incarner la résilience dans le secteur de la danse?
  • Quelles sont les pratiques existantes, émergentes et encore à imaginer, ainsi que les ressources nécessaires pour renforcer notre capacité collective à nous adapter et à prospérer plutôt que juste survivre en tant qu’artistes de la danse?

En faisant défiler la page vers le bas, vous trouverez de multiples offres qui documentent ce projet :

  • Trace de l’artiste archiviste Jose Miguel Esteban. Ce film vous invite à une méditation sur les thèmes et les questions qui ont émergé à partir de la recherche de la cohorte. 
  • Q & R avec l’artiste archiviste du projet Jose Miguel Esteban 
  • Liste : Ce que la cohorte a fait pendant la résidence de recherche de cinq jours
  • À propos des artistes
  • Une galerie de photos prises par Kendra Epik le dernier jour de la résidence
  • Une présélection des notes prises sur le terrain par la chargée de projet et facilitatrice, Pam Tzeng

 


 

TRACE

Jose Miguel (Miggy) Esteban a été invité dans le cadre de ce projet comme artiste archiviste. Dans ce rôle, Miggy avait pour tâche de créer un artefact qui pourrait documenter ce qui émergeait du temps passé ensemble en groupe. Agissant à la fois comme participant et observateur, Miggy a créé Trace, un film qui « sert de partition pour se rappeler les leçons apprises et qui provoque notre imagination pour rêver à de futurs mouvements ».  

 

Version audio:

PDF téléchargeable de la transcription en anglais

 

Q & R avec Jose Miguel (Miggy) Esteban 

Nous avons posé quelques questions à Miggy pour examiner le processus de documentation de la résidence à travers la création de Trace.

Comment t’es-tu senti pendant le processus de documentation?

Le processus de création de Trace est devenu un beau moment de retour. Ça a évoqué beaucoup d’émotions et de sensations en moi, à mesure que je me rappelais la joie d’être ensemble, et me donnait envie d’y retourner. La pièce est devenue une manière de faire le deuil de notre temps passé ensemble, car j’avais du mal à revenir à une vie « normale » après la résidence. Développer cette pièce est devenu pour moi une chance de créer un portail de retour vers le contenant que nous avions commencé à créer, à bâtir et à cultiver. C’est devenu pour moi un portail de réflexion et de reconnexion aux relations que nous avions commencé à développer.

Compte tenu de ma responsabilité envers ces relations, ce processus a fortement été influencé par la question de comment partager ce que nous avons exploré, tout en protégeant les histoires qui ont été racontées. Comment partager le travail profondément personnel que nous avons effectué ensemble tout en étant tenu par une éthique de divulgation? Comment partager la vulnérabilité et la puissance de notre connaissance incarnée en maintenant un engagement vis-à -vis du consentement? Comment partager la précarité qui surgit du fait de parler de la résilience et de répondre aux façons institutionnelles d’être d’une manière responsable envers nos relations? 

Qu’est-ce que cela signifie pour le présent et l’avenir?

J’espère que Trace pourra servir de partition pour se remémorer les leçons apprises et de provocation pour rêver à de futurs gestes.

Comme partition, cet artefact nous offre le temps et l’espace pour revenir à tout ce que nous avons appris de nos gestes avec le territoire et entre nous pendant la résidence. Il offre des indications qui révèlent certaines de ces leçons, invitant davantage le public à être ému par celles-ci. D’autre part, il nous invite toutes et tous à nous questionner sur comment aller de l’avant par le biais des traces de connaissance que nous portons en nous. 

Il aurait été facile de dire : « ok, nous avons fait cette chose, maintenant nous passons à autre chose. » Cette œuvre nous invite, au contraire, à faire le travail difficile de retour. Elle résiste à la constitution d’une politique et refuse d’être transformée en une liste à cocher de choses que nous devons faire maintenant. Elle échappe à l’idée de devoir régler ce qui s’est passé, en nous incitant plutôt à nous demander ce que nous pouvons apprendre de plus de notre expérience d’être ensemble.

Cette œuvre signifie beaucoup pour moi, car elle m’a permis de penser à la documentation comme un processus de création. Au lieu d’être discipliné dans les rangs des attentes institutionnelles occidentales de l’archivage (et ses registres coloniaux), j’ai eu le temps et l’espace de m’engager dans le processus de documentation comme un acte artistique. Au lieu d’essayer de saisir tout ce que nous avons exploré en un « produit final », j’offre cet artefact comme un point d’entrée pour le public, qui suivra ses propres liens à nos questions, à nos gestes et à notre relation au territoire. J’espère que Trace pourra inspirer un nouveau départ dans le questionnement de ce que signifie incarner la résilience.  

Que signifie incarner la résilience pour toi maintenant? 

Ce à quoi je m’accroche maintenant, c’est le point d’interrogation… Qu’est-ce que la résilience? Et qu’est-ce que l’incarnation? Ce qui s’est ouvert à moi, c’est l’occasion de rêver autrement. Incarner la résilience c’est le désir de rêver et de rendre manifeste différentes manières d’être ensemble. Comment comprenons-nous nos actions pour faire face aux défis, pour survivre, pour prospérer…? Est-ce simplement en étant au milieu de l’injustice? En ayant une réflexion incarnée, je sens une impulsion et une inspiration abolitionnistes qui nous appellent à créer un monde différent. La résilience, c’est affirmer une différente manière d’être. Et l’incarnation nous invite à retourner à nos pratiques de la danse et du mouvement comme une source de création nouvelle. Comment pratiquons-nous déjà cela? De quelles manières faisons-nous déjà le travail d’imaginer différents mondes en affirmant nos différentes façons de bouger et d’être en relation les uns avec les autres? 

Y a-t-il autre chose qui te semble important à partager? 

Je veux partager mon appréciation pour la co-création de ce rôle. Lorsque j’ai été invité à participer à ce projet, on m’a poussé à réfléchir à comment faire ce travail d’archivage différemment. Je suis reconnaissant d’avoir eu l’occasion d’amener mes propres pratiques créatives de l’écriture dansée et de la danse écrite, façonnées par les pratiques des arts et de la culture du handicap (en particulier à travers des orientations interprétatives et multisensorielles pour créer une description audio/en images). Je suis reconnaissant au projet Semer la résilience qui m’a offert l’espace nécessaire pour refuser d’accepter les manières dont nous avons été entraîné.e.s et éduqué.e.s à comprendre qui nous sommes en relation à des récits individuels de la danse et du corps dansant. Je suis également reconnaissant que la création de Trace m’ait accordé le temps de rêver à des portails où nous pourrions exister ailleurs. 

 


 

LISTE : Ce que la cohorte a fait pendant la résidence de cinq jours

  • Élaboration d’une entente collective en discutant la question  « qu’est-ce qui vous fait sentir valorisé.e en tant qu’artiste? ». À partir de là, le groupe s’est ancré dans l’intention de « s’engager à se rencontrer soi-même, à se rencontrer mutuellement et à rencontrer le territoire et les éléments ».
  • Création d’un espace d’autel collectif
  • Formation d’une bibliothèque partagée avec des livres apportés par les membres de la cohorte 
  • Pam a partagé une pratique de reconnaissance corporelle que nous avons explorée comme pratique collective.
  • Recherche par le mouvement avec le territoire. Co-création d’une pratique de mouvement somatique axée sur le reflet des éléments, sur l’herbe à l’extérieur du studio, à la plage et avec l’eau.
  • Participation à trois ateliers qui ont servi points de départ pour notre recherche :
  • Réflexion individuelle et conversations de groupe au sujet de la question :  « Qu’est-ce qui s’ouvre en toi? » 
  • Moments de solitude, moments passés à la plage, repas collectifs, participation à des jeux en soirée et repos.

Artistes, organisateur.trice.s et témoins

Kali Kennedy (Iewennotaties)

Kali Kennedy (Iewennotaties)

Atri Nundy

bee pallomina

Ravyn Wngz

Jose Miguel (Miggy) Esteban

Pam Tzeng

Karla Etienne

Nous exprimons notre gratitude envers Lumos Transforms, Kai Cheng Thom, Christina Porter, Dodem Kanonhsa’ et Native Canadian Centre of Toronto.

 


Notes de terrain de la chargée de projet et facilitatrice Pam Tzeng 

Bonjour!  Voici une courte liste de mes notes personnelles prises sur le terrain et des idées qui ne sont pas encore reflétées dans les offres mentionnées plus haut. Je les partage avec vous en tant que chargée de projet et facilitatrice du programme Semer la résilience, ainsi qu’avec ma perspective d’artiste de la danse.

1- Ce qui guide ce projet est un engagement axé sur les relations et le fait d’honorer la sagesse, le libre arbitre et les besoins des artistes impliqué.e.s. Cela veut dire résister à la pression de l’urgence et de la perfection (plus facile à dire qu’à faire), et créer des espaces de collaboration et de rétroaction. 

2- L’expérience vécue et la multiplicité des intelligences des danseur.euse.s est impressionnante.

3- Laisser la sagesse du territoire et de ce qui est porté dans nos corps devenir nos enseignants. 

4- Les expériences des danseur.euse.s sont importantes. Partager des histoires est un remède puissant, et cela nous aide à nous rappeler que nous ne sommes pas seul.e.s face aux défis que nous vivons dans nos pratiques et dans notre travail en tant qu’artistes.  

5- S’engager dans un apprentissage communautaire en dehors du domaine de la danse et des arts inspire en nous de nouvelles manières de comprendre et de nouvelles possibilités de reformuler et d’explorer la résilience en danse.

6- Rythmer notre travail avec un calendrier à la fois ample et ciblé a permis à l’ACD de travailler en profondeur, intentionnellement et de grandir en tant qu’équipe. Cela nous a accordé le temps et l’attention nécessaires pour ré-imaginer et créer des processus et documents internes qui correspondent aux valeurs fondamentales et aux engagements de l’ACD. La confiance, la communication, la redevabilité et la disposition à demander et à s’offrir mutuellement du soutien nous ont donné l’occasion de réaliser le projet de manière durable. Cela nous a permis d’être présent.e.s, ancré.e.s et doté.e.s de ressources internes dans nos collaborations avec les artistes.

7- S’entraîner et pratiquer de manière continue nous aide à développer notre capacité et notre agilité pour répondre aux changements imprévus ou au défis avec soin. S’entraîner à ralentir. S’entraîner à demander comment l’autre va. S’entraîner à pratiquer le consentement. S’entraîner à pratiquer la constance et la redevabilité. Pratiquer la transparence. Pratiquer la  « clarté comme un acte de bienveillance » comme le dit une chère amie et mentor, JD Derbyshire.  Pratiquer être avec l’émergence.

8- Créer les conditions pour que les danseur.euse.s se sentent bienvenu.e.s, en sécurité et prêt.e.s à se montrer tel.le.s qu’ils/elles sont est un travail qui demande de la rigueur, du soin, un respect mutuel, un écoute profonde, une flexibilité et l’exercice constant du consentement, du consentement et du consentement. Lorsque nous sommes capables de répondre aux besoins des danseur.euse.s, nous arrivons à la vulnérabilité, à la mutualité et à la réciprocité.

Je respecte, célèbre et danse pour tous et toutes les artistes qui ont contribué à ce projet. Les graines d’inspiration et d’ancrage qui ont été semées à travers leurs recherches et qui ont donné vie à ce projet guideront le chemin et les engagements de l’ACD pour l’avenir.  

 

Photos
Photos prises par Kendra Epik le dernier jour de la résidence.

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