post
Recommandations du secteur de la danse dans le cadre de la Révision du programme d’assurance-emploi

Recommandations du secteur de la danse dans le cadre de la Révision du programme d’assurance-emploi

En tant que représentant-e-s du secteur de la danse dans le pays, nous vous faisons parvenir des recommandations dans le cadre de la révision du programme d’assurance-emploi, et notamment pour les artistes en danse, qui représentent clairement les besoins et priorités de nos membres.

Contexte

Les artistes de la danse vivent dans la précarité financière et sont peu soutenus par les programmes en place. Une large proportion de travailleur-se-s ne remplit pas les critères requis pour y être éligible, ces programmes demeurant articulés autour de la notion de travail salarié à temps plein.

Les données du recensement de 2016 de Statistique Canada, les artistes moins payé.e.s sont les danseuses et danseurs avec un revenu annuel moyen lié à la danse de 16 005 $.

Les danseuses et danseurs sont généralement des travailleurs saisonniers puisque l’offre culturelle s’étend généralement de septembre à juin, avec une pause durant le temps des fêtes. Les danseuses et danseurs sont des travailleurs autonomes qui vivent de contrats en contrats, redoublant d’ingéniosité en mettant à profit leurs diverses compétences dans différents rôles dans le secteur (interprète, chorégraphe, répétiteur, conseiller) pour et avec une multitude d’autres artistes.

Plusieurs travaillent dans d’autres secteurs comme la restauration, l’hôtellerie ou l’éducation. Ces artistes occupent donc parfois des emplois à temps partiel, cependant ils et elles doivent être disponibles pour les contrats à venir. De cette disponibilité dépend la suite de leur carrière. Il leur est parfois difficile d’occuper des emplois complémentaires de longue durée.

Les danseuses et danseurs sont des athlètes de haut niveau. Les exigences physiques et mentales requises pour leur profession sont très élevées. Pourtant, il leur revient la charge de s’entraîner et de se soigner, et ce, à leurs frais. Les danseurs ne disposent que de très peu de soutien ou de programmes pour veiller à leur santé. Il va s’en dire qu’ils doivent débourser un montant important en frais d’osthéopathes, de physiothérapeuthes, de psychologues ainsi que de classes d’entraînement pour maintenir leur niveau d’excellence.

Les danseurs et danseuses ne sont généralement pas syndiqué-e-s comme d’autres artistes de la scène, musiciens ou actrices et acteurs par exemple. Ils sont donc ainsi peu protégés et bénéficient peu des régimes d’assurance ou de retraite offerts par les grands syndicats (Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists (ACTRA), l’Union des artistes (UDA), la Canadian Actors Equity Association (CAEA) et la Writers Guild of Canada (WGC)). Certaines associations professionnelles offrent la possibilité d’adhérer à un régime d’assurance. Cependant, les revenus des artistes de la danse sont si peu élevés qu’ils et elles peinent à cotiser et y adhérer.

Les artistes qui pratiquent des formes non-occidentales de danse gagnent encore moins de revenus que les autres. Ils sont d’autant plus précaires. Le recensement de 2016 a révélé que les artistes autochtones, noir.e.s et autres artistes racisé.e.s gagnent beaucoup moins de revenus que leurs homologues non autoctochtones/non racisé.e.s. Les artistes autochtones, et noirs et racisé.e.s gagnent un revenu médian de 68 cents et 72 cents, respectivement, pour chaque dollar des artistes non autochtones non noir.e.s/non racisé.e.s. Les grandes compagnies de ballet peuvent souvent offrir des contrats à long terme ou des contrats salariés aux danseuses et danseurs mais ceci constitue l’exception plutôt que la norme. Ceci contribue à l’iniquité entre Canadiens et Canadiennes. Le programme devrait pouvoir contribuer à diminuer ces iniquités et bien desservir tous les artistes peu importe la forme artistique qu’ils et elles pratiquent et peu importe leurs origines culturelles.

Le programme de Prestations spéciales de l’assurance-emploi pour travaileur-se-s autonomes ne fonctionne pas pour les artistes de la danse étant donné leur précarité financière expliquée ci-dessus ainsi que les inadéquations entre l’éligibilité et les réalités de ce métier. Le niveau de cotisation est encore élevé pour beaucoup ainsi que le revenu net minimum requis (7 555 $ en 2020), surtout pour ceux et celles qui démarrent leur carrière ou qui sont en transition. Un autre frein à cette possibilité est l’obligation d’y adhérer à vie. La longueur de la vie professionnelle des artistes de la danse est très variable. Elle dépend de plusieurs facteurs tels que la forme physique et l’absence de blessure, la capacité à trouver des contrats, la conciliation travail-famille, l’impact des tournées internationales successives sur l’équilibre de vie, etc.

Les danseurs et danseuses paient parfois eux-mêmes des honoraires à d’autres artistes puisque les projets de danse incluent d’autres collaborateurs : autres danseurs, techniciens, musiciens, conseillers, scénographes, éclairagistes, etc. Ils ont parfois du mal à faire comprendre aux fonctionnaires la distinction entre les revenus de bourses obtenus pour le projet en entier et les revenus gagnés à leur propre fin. Ceci constitue une barrière supplémentaire à l’accès rapide aux prestations découlant d’une mécompréhension des réalités d’emploi des artistes de la danse.

L’impact de la pandémie a été très important pour les artistes de la danse. Le secteur des arts de la scène est encore le dernier à se relever. Partout, les arts et les spectacles ont subi des effets encore plus graves que les secteurs de l’hébergement et de la restauration. Le PIB du secteur des arts de la scène a chuté de 62 % depuis l’an dernier (The Globe and Mail, 11 mars 2020). De plus, ce sont les artistes qui ont payé le plus lourd tribut pour cette perte : les heures travaillées dans le secteur des arts, des spectacles et des loisirs ont globalement baissé de 36,6 % en 2020, et de plus de 60 % chez les travailleurs des arts de la scène. Il nous paraît important que la révision du programme se fasse dans les meilleurs délais et réponde aux promesses gouvernementales d’équité et de justice sociale.

Recommendations

Que le programme d’assurance-emploi devienne dans sa visée un programme d’assurance de revenus pour les artistes de la danse en:

  • Diminuant le nombre d’heures assurables requis. L’initiative de baisser le nombre à 140h est un bon pas en ce sens.
  • Permettant aux artistes d’accumuler des heures de différents emplois et employeurs.
  • Développant un programme d’intermittance spécifique afin que les artistes de la danse puissent obtenir un revenu entre les contrats et les saisons culturelles. Les artistes de la danse devraient être éligibles même s’ils et elles ont un emploi à temps partiel pour leur assurer un niveau de revenu décent entre les saisons culturelles et les contrats. Les critères et le revenu mensuel offert par la PCRE de 2000$ par mois (tel que conçu à l’origine) semblent être un excellent point de départ pour le programme. Le mécanisme, l’accessibilité et la souplesse du programme ont été très appréciés par tous les artistes, qui, il faut bien le comprendre, étaient bien impatients de recommencer à travailler.
  • Finançant le programme amélioré d’assurance-emploi par un mécanisme où le gouvernement et les «employeurs» contriburaient aussi bien que les artistes individuels. Les artistes ne devraient pas contribuer seuls au système. Les exigences en matière de primes pour les artistes travailleurs contractuels devraient être soigneusement et équitablement échelonnées. Les contributions pourraient se faire soit par des déductions à la source, soit par le système fiscal.
  • Permettant aux artistes de la danse de résilier leur inscription au programme d’assurance emploi pour travailleurs autonomes lorsqu’ils et elles changent de carrière.
  • Incitant le Conseil des arts du Canada à permettre aux artistes d’inclure dans leur budget déposé dans les formulaires de subvention, les frais reliés à l’assurance emploi afin de faciliter l’accès au programme à tous et toutes les artistes qui participent au dit projet.

LIRE LE COMMUNIQUÉ

NEWSLETTER

Inscrivez-vous à notre liste de diffusion pour recevoir des mises à jour régulières.